Faire du stress un allié ?
- Cécile Charbonnel

- 15 nov. 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 févr. 2021
Un mécanisme naturel de survie...
Nous savons depuis longtemps que ce phénomène physiologique, psychique et comportemental est un mécanisme naturel et nécessaire qui a permis la survie de notre espèce.
Il mobilise nos ressources physiques et intellectuelles pour faire face aux pressions et contraintes de notre environnement, et peut être un facteur de motivation et de créativité.
Le stress aigu est donc utile, mais nous savons également que la chronicité d'un état de stress qui soit perdure, soit se répète a des effets délétères sur notre santé mentale (anxiété, dépression, burn out), et physiques (risques accrus de pathologies cardiaques et coronariennes, AVC, obésité, troubles gastro-intestinaux...), entraînant même un risque de mort prématurée.
... qui dépend de notre ressenti

Ce que l'on sait moins, c'est que le stress nait de la différence entre l'évaluation que nous faisons de l'ampleur de l'événement auquel nous faisons face, et l'évaluation des ressources dont nous pensons pouvoir disposer. C'est lorsque la situation est perçue comme débordant nos ressources et mettant en danger notre bien-être qu'il y a stress.
Il y a bien un facteur déclenchant, mais c'est la perception subjective de l'événement comme menaçant et insurmontable qui définit le stress perçu.
C'est fondamentalement l'idée "je ne vais pas y arriver", la conviction de cet échec à venir qui déclenche le processus.
Cette conception du stress apparue dans les années 80 était plutôt une bonne nouvelle, car nous pouvons agir sur la manière dont nous envisageons une situation, ou sur la vision que nous avons de nos propres capacités à y faire face. C'est d'ailleurs sur ces facteurs que s'appuient les thérapies cognitives et comportementales pour accompagner les personnes en situation de stress.
Mais de nouvelles études réalisées ces dernières années viennent nous montrer que non seulement le degré de stress dépend de notre perception de la situation, mais également que l'idée même que nous nous faisons du stress a une grande influence sur son impact.
Des études étonnantes !

En 2012, l'Université du Wisconsin aux États-Unis a publié un travail de recherche ayant suivi près de 30 000 adultes sur une période de 8 ans.
2 questions leur ont été posées :
"Quelle quantité de stress avez-vous supportée l'année dernière ?" Un peu / Modérée / Importante ;
et "Croyez-vous que le stress est dangereux pour votre santé ?" Oui / Non
Après 8 années, ils ont observé les statistiques de décès pour cette population... et voici leurs conclusions :
Comme on pourrait s'y attendre, les personnes qui estiment avoir vécu un niveau de stress élevé sur l'année ont un risque accru de mort prématurée de 43 %...
Mais seulement celles pensant que le stress est nocif pour leur santé !!
Les personnes ayant vécu beaucoup de stress mais pensant qu'il est un phénomène plutôt positif permettant de mobiliser leurs ressources ont le plus faible risque de décès, y compris par rapport à ceux ayant vécu peu de stress.
Nos pensées changent notre physiologie
Cela signifie que le fait de changer notre état d'esprit par rapport au stress peut nous protéger de ses effets négatifs. En changeant vos pensées par rapport au stress, vous changez la réponse de votre corps au stress.

Une autre étude réalisée en 2011 à l'Université d'Harvard corrobore ces résultats :
L'activité cardiaque de 50 personnes été comparée après 2 tests de stress social : faire un exposé de 5 mn devant 2 évaluateurs renvoyant des messages non verbaux négatifs (mimiques de désintérêt, d'exaspération ou de mépris...) puis un test de maths sous contrainte de temps et toujours avec des feedbacks négatifs des évaluateurs.
Certains participants avaient lu au préalable un document sur les bénéfices des effets physiologiques du stress (mobilisation des capacités, plus d'oxygénation, meilleures performances...), et avait été encouragés à considérer le test à venir comme n'étant pas particulièrement difficiles ou stressant.
Les résultats ont montré que ces personnes étaient moins anxieuses, plus confiantes, mais surtout que leur réponse physiologique au stress a été très différente.

Habituellement lors d'un stress, il y a accélération du rythme cardiaque et forte contraction vasculaire, ce qui explique que le stress chronique peut être associé à des pathologies cardio-vasculaires. Mais dans ce groupe, même si le rythme cardiaque était plus rapide, leurs vaisseaux restaient détendus, présentant même un profil proche de celui observé dans des états de joie... ou de courage.
Faire des périodes de stress une opportunité
La période que nous vivons depuis plusieurs mois réunit les 4 caractéristiques universelles d'une situation génératrice de stress : Absence de contrôle / Imprévisibilité / Nouveauté / Menace pour notre ego (physique ou mental).
Le niveau de stress général a considérablement augmenté dans la population avec un impact sur la santé publique dont nous ne voyons que les prémices... et les soignants sont en première ligne de cette exposition à des situations potentiellement éprouvantes et génératrices de stress.

Il est donc urgent sur le plan individuel et collectif d'adopter des stratégies nous permettant de faire face à cette situation en utilisant les connaissances actuelles :
Il est bien sûr essentiel d'acquérir des techniques de gestion du stress telles que la respiration, la relaxation ou la méditation, mais également de faire évoluer notre regard sur ce phénomène.
Il ne s'agit pas de lutter ou de vaincre le stress, nous ne pouvons pas l'éliminer, il fait partie de la vie et nous est nécessaire, mais bel et bien de l'apprivoiser, de l'appréhender comme un processus d'alarme et de mobilisation de nos capacités physiques et psychiques, et de nous en faire un allié pour faire face aux défis actuels et à venir.
Cet article est inspiré de la conférence TedEx de Kelly McGonigal, psychologue américaine enseignant à l'Université de Boston :
Références :

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